Le polyamour envoie bouler les repères traditionnels au sujet de couple. Ce sacro-saint couple composé de deux personnes (en général 1 homme avec 1 femme). Dans les faits, il représente une alternative au culte de la possession qui s’exprime dans la vie à deux, qu’il y ait mariage ou non. Bien que dans une relation conjugale dite classique, il existe désormais la possibilité de rompre, de se séparer et de reconstruire derrière.
Entre le couple inaltérable, où les deux membres paraissent plus indissociables année après année, et les pratiques libertines qui favorisent la dispersion, les poly-amoureux ont l’ingéniosité de mettre en avant un troisième concept amoureux : concilier satisfaction physique et passion amoureuse. Dans le mythe, deux valeurs s’opposent :
Dans le polyamoureux illustré (titre fictif, mais bientôt à paraître…), les deux voies de l’Eros ne sont pas séparées. A considérer, comme s’il s’agissait d’un corrélat préalable, que l’on doit mortellement s’ennuyer dans son mariage, ou peiner à ressentir une quelconque tendresse dans une relation effrénée. Vous aurez compris que les bordures ne se dressent pas aussi simplement comme entre chien et chat.
Les jaloux proscrits ?
Que dire de la jalousie ? Fort épineux problème. Est-il fantastiquement éludé ? Non, bien entendu c’est impossible. Au quotidien, difficile d’affirmer que les amours multiples vous exonèrent de la souffrance qu’occasionne LA rupture. Celle qui vous fait très mal, qui n’est pas évidente à digérer. Quand on vit avec deux partenaires, il semble encore naturel de demander des comptes en cas de forfait, de péché mortel de sa moitié (ou de son tiers ou de son quart et ainsi de suite…). Le partenaire qu’on souhaitait toujours disponible peut aussi rentrer dans le rang et redevenir monogame au détour d’un sectaire coup de foudre.
Le polyamour pose enfin des soucis d’ordre logistique. D’organisation interne. Sortir avec trois personnes, c’est compliqué mais pas impossible. Quels statuts donner aux partenaires ? A est-il plus cher à mon cœur que B ? Et C, il est là pour passer la lavette ? Il existe des partenaires récurrents, et d’autres plus occasionnels, séparés par une distance géographique ou bien tout bêtement pas assez aimés pour faire des partenaires récurrents.
Au fond, n’avoir qu’un amour n’est-ce pas faire une cure d’amaigrissement ? Dans le polyamour, il faut, à l’instar du couple classique, pouvoir se concerter, adopter les attitudes adéquates pour ne pas empiéter la vie de l’autre, faire preuve d’une bonne dose d’empathie à l’occasion, être heureux même quand le partenaire est parti voir ailleurs, appréhender tout ça comme un spectateur, sans y prendre part, chose inimaginable dans la vie à deux. Une série de contrats en quelque sorte !
Si dans le polyamour réside une anarchie de l’amour, il n’incarne plus totalement un concept libertaire parce que le cadre conjugal a éclaté. Depuis Adam et Eve, les familles monoparentales, les structures familiales nouvelles ont fini de battre en brèche une psychopathologie du couple. Dans les années 60, aimer plusieurs personnes constituait sans doute une provocation, accompagnant ainsi le mouvement mondial de contestation qui pointait du doigt une société hiérarchique et paternaliste. Nous avons conservé le hiérarchique, mais les femmes nous ont montré qu’elles aussi peuvent mener le manège de la séduction. Aujourd’hui, le polyamour figure comme l’extension non bornée du cadre formaliste du couple, une manière de placer la cerise sur le gâteau des sentiments.
Faustin Rollinat – Rédacteur chez Tribunes Romandes
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