Vous l’aurez compris, j’ai une tendresse certaine pour l’inattendu. C’est pourquoi cet été, en longeant la Loire près de Saumur, j’ai été ravie de m’arrêter à l’abbaye de Fontevraud. Oui, messieurs dames, une abbaye ; parfaitement. Oh, je vous vois venir avec vos sourires goguenards, approchant déjà dangereusement votre index de votre souris, pensant que vous allez avoir droit au récit illuminé d’une énième citadine qui a retrouvé la paix, son âme et même, pourquoi pas, la foi, dans ces lieux pleins de grâce… Bien que je ne doute pas que tout cela soit possible à Fontevraud, mon expérience fut plus variée et amusante que cela. Dans cette véritable cité du 12ème siècle, je me suis sentie tour à tour comme un personnage de roman anglais, une élève de cours d’Histoire de France, et un amateur d’art privilégié…
Au cœur du Val de Loire, inscrit au patrimoine mondial, l’abbaye de Fontevraud est juchée au carrefour des régions de l’Anjou, du Poitou et de la Touraine, non loin de Saumur. Autant dire que, quelle que soit la route empreintée pour grimper à l’abbaye, elle sera belle ! L’ancienne abbaye, résidence d’Aliénor d’Aquitaine abritant encore les tombeaux de celle-ci et de Richard Cœur de Lion, entre autres, a un passé riche en rebondissements, tout comme un bel avenir.
Au fil des siècles, elle a abrité des moines et des moniales, puis des prisonniers jusqu’aux années 1980… jusqu’à ouvrir ses portes au public grâce à l’Office National du Patrimoine français. Alors que le calme règne dans ses jardins médiévaux et dans ses différents cloîtres, l’abbaye a aussi les yeux et les bras ouverts sur le 21ème siècle : une toute nouvelle signalétique signée par la designer matali crasset sert à guider les visiteurs en douceur, au rythme de leurs intérêts et envies, depuis l’‘Aliénor Café’ offrant les vins de la région, aux vergers et jardins de plantes médicinales si bien présentées ou encore, aux cours où sont organisés des ateliers pour enfants ou des conférences, concerts et spectacles divers.
Dans le cloître, le cœur du monastère, se trouvait cet été Belvédère(s), une structure temporaire de Vincent Lamouroux, en forme de ‘montagnes russes’ ou de labyrinthe. Ce parcours en escaliers faisait le ‘grand 8’ dans le jardin, encourageant les visiteurs à suivre ses hauts et ses bas en découvrant des angles insolites de l’architecture majestueuse des lieux. J’ai trouvé cette idée formidable, car elle faisait écho à tant d’aspects de l’abbaye : le cloître fut jadis le lieu de contemplation et de prière des moniales, mais aussi la cour de promenade des hommes incarcérés dans la prison qui s’y était installée à partir de l’ère napoléonienne… En marchant entre ciel et terre, je me suis demandé combien de fois Jean Genet, l’un des ‘pensionnaires’ célèbres de la prison, avait peut-être rêvé de pouvoir s’élever ainsi de son univers carcéral.
C’est le soir venu, lorsque tous les visiteurs étaient partis, que l’abbaye tout entière m’a encore surprise : sous l’orage, comme dans les meilleurs romans de Jane Austen, j’ai vu l’abbatiale s’illuminer de bougies, tandis qu’un guide emmenait un petit groupe d’entre nous pour une visite ‘Noctambule’ des lieux. Soudain, les gisants, les hautes voûtes de la nef et les longs couloirs menant à la cour du chapitre prenaient toute leur signification atmosphérique. S’il est un fait qu’on entend mieux les yeux fermés, on pourrait certainement prouver que l’on ‘voit’ mieux à la lueur de chandelles, lorsque les histoires se délient lentement pendant que le reste du monde semble endormi. À minuit, je retrouvais, éblouie, le chemin de ma chambre au Prieuré Saint-Lazare, à travers l’ancien jardin potager… Pas de doute, une nuit à l’abbaye de Fontevraud recèle des surprises innombrables.
Depuis mon passage à Fontevraud, j’en parle à tout le monde… Tant de choses à y faire et à y voir, pour tous les âges ! Bien sûr, ma préférence va à la visite ‘Noctambule’, mais je vous encourage à visiter le site internet de l’abbaye qui regorge d’infos sur ses activités. L’hôtel du Prieuré, dans l’enceinte de l’abbaye, offre des formules « dîner + Noctambules », qui vous donnent l’occasion de voir le soir tomber sur cette magnifique cité monastique avant de vous mettre en marche dans la nuit pour la visite vers 22h30.
Si vous ratez les excellentes Journées du Patrimoine en France les 17 et 18 septembre prochains, pas de panique ! Depuis cette année, l’abbaye de Fontevraud propose un pass annuel à 10€ par personne ou 25€ par famille, qui vous donne la liberté de visiter les lieux aussi souvent que vous le voulez. Et avec le beau programme de concerts, spectacles et ateliers prévus cet hiver, vous n’aurez pas besoin d’excuses pour retourner faire un tour par Fontevraud !
A. Louette – Rédactrice COTE NEWS
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