Rencontre avec Eduardo Kohan, un saxophoniste

23 avril 2020

Lorsque je joue de la musique, mon objectif n’est ni de convaincre ni d’éblouir (il m’est égal d’être original ou avant-gardiste). Ce que je recherche est un son organique, des sensations, des perceptions, des émotions, un certain état de joie dans le corps… Émouvoir, m’émouvoir avant tout…

TRIBUNES ROMANDES Le tango semble indissociable de vos compositions. Est-ce dû au fait que vous êtes né à Buenos Aires ou y a-t-il d’autres raisons ?

Eduardo Kohan Le tango c’est ma langue maternelle, c’est une musique qui m’accompagne depuis mon enfance et malgré mon manque d’intérêt pour elle au début elle a su m’attendre…

TRIBUNES ROMANDES Vous composez pour le cinéma, la télévision, le théâtre et la danse contemporaine. Est-ce à dire que la pluridisciplinarité est un élément stimulant et qui vous inspire ?

Eduardo Kohan J’aime beaucoup jouer et composer dans des contextes différents, travailler avec des contraintes parfois ça aide, ça pose des limites et nous sommes plus rapidement orientés…

TRIBUNES ROMANDES Parmi vos compositions, vous avez créé une musique pour le Festival de Blois en 1989 « Pour l’arrêt définitif de la Centrale nucléaire de Creys-Malville ». L’art engagé est-il une part importante de vous-même ?

Eduardo Kohan En ce qui me concerne je ne crois pas à « l’art engagé ». A l’époque j’avais eu une commande pour le Festival de Blois et vu les conditions du moment, la lutte populaire contre cette centrale nucléaire, le titre m’est venu tout seul.

TRIBUNES ROMANDES Vous êtes également enseignant de musique et musicien de rue. Qu’est-ce que ces expériences professionnelles apportent de plus à votre carrière ?

Eduardo Kohan J’aime bien enseigner, c’est pour moi la meilleure façon d’apprendre. Quand je veux approfondir quelque chose, je l’enseigne.

Et jouer dans la rue, c’est pour moi une expérience essentielle. Nous sommes placés au même niveau que les gens, on nous écoute que si notre musique est bonne, le décor est changeant, les passants aussi et il y a le bruit ambiant. Nous sommes nus, sans les artifices de la scène… Je suis convaincu que c’est l’une des meilleures écoles…Et ça nous apprend l’humilité…

TRIBUNES ROMANDES Que conseilleriez-vous à des jeunes saxophonistes désirant vivre de leur art ?

Eduardo Kohan Marcel Duchamp dans sa lettre à Jean Crotti (en 1952) dit :

…Les artistes de tous temps sont comme des joueurs de Monte Carlo et la loterie aveugle fait sortir les uns et ruine les autres.

…Tout se passe au petit bonheur la chance. Les artistes qui, durant leur vie, ont su faire valoir leur camelote sont des excellents commis voyageurs, mais rien n’est garanti pour l’immortalité de leur œuvre…

…En deux mots, fais moins de self-analyse et travaille avec plaisir sans te soucier des opinions, la tienne et celle des autres…

Interview réalisée par Christiane Seiss – En partenariat avec Art Club Genève

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