L’immigration pour les nuls. Par Estelle Baroung Hugues

20 octobre 2011

‘I’ est la première lettre du vocable dont il est question. ‘i ‘ apparaît, une, deux, trois fois dans le mot immigration. Même si Saussure affirme que le lien entre signifiant et signifié demeure arbitraire, comment ne pas entendre dans tous ces ‘i’ comme un long cri qui ne veut pas s’arrêter? L’immigration c’est souvent, comme nous le savons tous, un voyage qui s’initie dans la souffrance de l’oppression de la guerre ou de la pauvreté. Lorsque tel ou tel groupe se met à fuir ses propres pénates, nous les comprenons. Le cri ‘i’ que l’on entend le mieux c’est souvent le premier, celui relayé par les médias à force de pathos ou de sensationnalisme. On voit à la télévision des images qui font pitié et l’ on veut aider mais lorsque que le souci ‘i’ sort de l’écran pour se rapprocher de nos frontières, de nos maisons, la donne s’en trouve changée. Le deuxième et le troisième cris ‘i’, nous refusons parfois de les entendre soit parce qu’ils ont tendance à s’éterniser, soit à cause du fait que personne n’aime l’idée d’ ‘accueillir toute la misère du monde.’

Ensuite viennent les ‘m’ au nombre de deux, car les immigrés veulent qu’ont les ‘m’(aiment), qu’on les acceptent. La terre d’accueil aussi veut être aimée ou plutôt respectée. Le problème qui se pose alors est de nature sémantique : les deux groupes ne donnent pas toujours la même définition au mot ‘aimer’…

Que faire donc du son Gra’ qui tombe en troisième lieu dans nos oreilles ? L’association avec le verbe engraisser peut venir à l’esprit de ceux qui voient les immigrants comme des profiteurs qui se servent dans les caisses de  notre Etat Providence. Allocations familiales, assurances invalidités… les finances publiques en souffriraient selon ces détracteurs des supposés abus perpétrés par certains migrants. La véritable absurdité prend place lorsque certains Etats se déplument d’eux même en offrant quelques centaines de francs à des étrangers afin de les encourager à déguerpir, tout en sachant que les fameux indésirables reviendront sans aucun doute dès que l’envie leur en prendra.

Terminons donc avec ‘tion’, un suffixe qui n’a rien d’original. C’est la fin des grands mots comme ‘questions’, ‘considérations’ ou même ‘solutions’. Avec cette fin de mot à la fois grandiloquente et passe-partout, la notion d’immigration rend jumeaux les maux de notre siècle (‘terreur’, ‘catastrophes climatiques, fuite des cerveaux, etc…) et les fausses modérations de ceux qui prétendent qu’avec certaines ethnies, ‘un ou deux ça va mais trop…’ Voilà pourquoi aujourd’hui encore, immigration rime avec confusion (des sentiments), séparation (des opinions) et amnésie par rapport au passé de toutes nos Nations.

 

Estelle Baroung Hughes – Chroniqueuse Tribunes Romandes

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