L’Aventure au fond du frigo : l’art de détourner les classiques

8 septembre 2011

Je les imagine bien rire sous cape à l’idée des pauvres lecteurs qui parviendront à la page 134, pleins de fougue et d’inconscience, prêts à se lancer dans la réalisation de ballotines de perdrix accompagnées d’une espuma d’asperges infusée au lapsang-souchong, sur un lit de pomelo au basilic du Sri Lanka (Ces recettes de 3 pages ¾ contiennent impérativement au moins un nom de technique culinaire incompréhensible et un ingrédient introuvable…).  

Ah, la joie inégalée d’avoir passé dix-huit heures à défigurer une petite pièce de volaille, détruire la cuisine et salir cinq tabliers dans le processus de création de ces mets de grands chefs ! Oh, la fierté de faire goûter ceux-ci à des victimes consentantes, qui vous demanderont, d’un air circonspect, quelle est la nature et la provenance de chaque bouchée qu’ils avalent de votre menu de dégustation en 16 plats. La cuisine est décidément devenue le champ de bataille de toutes les émotions de l’homme moderne, j’vous l’dis !

Mais rassurez-vous, si l’idée de rivaliser avec les plus grands cuisiniers de ce monde ne vous tente pas, vous n’êtes pas pour autant exclus de la génération des aventuriers de la spatule. Outre les hauts faits gastronomiques, la cuisine peut en effet encore offrir une variété d’émotions abordables au plus grand nombre : vous connaissez sans doute la satisfaction d’avoir réussi à transformer des restants en un dîner tout aussi abondant que l’original ? Mais avez-vous déjà goûté aux délices d’improviser une recette au moyen des ingrédients ‘basiques’ que nous avons tous dans nos réfrigérateurs ou garde-manger ? Vous savez, ces petits trésors souvent sous-estimés comme les corn flakes ou le muesli, le Coca, le Nutella ou même ce bon vieux Ketchup ?

Ces ingrédients omniprésents, si connus et habituels qu’on les en oublierait presque, se prêtent aussi facilement à toutes nos fantaisies, pas seulement en cas de famine aigüe ! En leur donnant droit de cité dans nos assiettes, soudain, on n’est pas simplement un cuisinier inventif accommodant des restes, mais on trouve d’autres usages à ces ‘simples’ habitants de nos frigidaires, qui la plupart des jours ont l’air de faire de la figuration à côté des ingrédients stars de nos menus. On devient alors de véritables ‘Mac Gyver’ du frigo, une ‘Agence tous risques’ de la cuisine à nous seuls, sachant faire feu de tout bois… Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais à moi, cela paraît être un héroïsme beaucoup plus atteignable ! J’ai donc testé pour vous, chers lecteurs, le voyage à vingt mille lieues sous les mets. Voici un petit compte-rendu de mes expéditions au fond du frigo, et des (re)découvertes que j’ai pu y faire…

Les cubes de bouillon, à mes yeux, ont toujours symbolisé la déception suprême des armoires de cuisine. Ils avaient tout pour intriguer : une boîte aux couleurs vives ornées d’un dessin de petit coq ou de bœuf, un emballage tout doré qui faisait presque croire à celui d’un bonbon… pour finalement se révéler n’être que de minuscules concentrés solubles qui n’avaient même pas le mérite d’être effervescents et ne servaient qu’à « donner du goût » aux potages qu’on était obligés de prendre à chaque repas, parce que « ça fait grandir ». Pourtant, j’ai découvert qu’ils peuvent aussi s’utiliser en assaisonnement de viandes, dilués dans un peu d’huile d’olive et même écrasés sur des pommes de terre ou dans un peu de crème fraîche pour créer des sauces étonnantes. Une belle revanche pour ces carrés ‘ennuyeux’ !

Autre classique de mon enfance, les corn flakes, passé l’âge de 12 ans, avaient graduellement perdu de leur attrait. C’était jusqu’à ce que je retrouve ma passion pour les céréales sous toutes leurs formes en tant que substituts à la chapelure, par exemple : couvrez de petites escalopes de poisson ou de poulet de pétales de blé ou de maïs écrasés et salés, d’un peu de fromage, et vous obtiendrez une magnifique croûte bien dorée. Ces pétales d’inventivité sont aussi délicieux lorsqu’ils sont déposés, sucrés, sur une variation du crumble de fruits rouges et de crème… une alternative bien plus saine, aussi, à la recette traditionnelle de beurre, farine et sucre émiettés !

Ceci ne sont bien sûr que quelques maigres exemples des découvertes infinies que notre garde-manger nous réserve : il suffit de lire les innombrables recettes de poulet au coca-cola ou de tartes au Ketchup, de saumon étuvé au thé ou d’enchiladas mexicaines au Nutella pour comprendre que d’autres explorateurs culinaires ont déjà réussi à se frayer des chemins dans les territoires les plus surprenants de la cuisine quotidienne. À ce jeu, toutes les audaces sont permises, seule compte la créativité ! C’est sûr, il ne nous faudra plus de cas de force majeure ou de faim insoutenable pour commencer à regarder nos modestes pots de moutarde ou conserves de sardines d’un autre œil…

 

A. Louette – Rédactrice TRIBUNES ROMANDES

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