Je pense n’avoir rien découvert de très nouveau en réalisant que la bibliothérapie, ou l’art de soigner l’âme par la lecture, gagne du terrain en tant que complément aux psychothérapies ‘conventionnelles’. Cette tendance, déjà bien ancrée dans les pays anglo-saxons, nous arrive rapidement, et ne concerne pas seulement les livres de « self-help », mais aussi les œuvres de fiction qui peuvent guérir nos maux, aussi petits soient-ils. Si les praticiens n’y voient pas une solution complète aux divers problèmes psychologiques et veillent à ne pas faire naître d’espoirs démesurés de guérison des troubles plus sérieux de la personnalité, la majorité d’entre eux reconnaît le pouvoir de certains livres de changer notre vie… ou, du moins, notre façon de la voir.
« Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé », disait déjà Montesquieu. Alors, si c’est lui qui l’a dit… Sinon, pour les sceptiques, je rappelle cet exemple si émouvant et sincère de l’illustre Paris Hilton revenant d’un petit séjour en prison à Los Angeles, tenant sous le bras une bible (toute dorée, quand même !), le seul livre qui l’ait aidée durant son ‘épreuve’. Non mais, blague à part, nous avons tous fait l’expérience de lectures qui nous ont fait du bien, soit en nous faisant oublier l’espace de quelques heures le tumulte extérieur, soit en nous donnant des clés parfois essentielles pour grandir. Souvent, ces clés restent quelque part dans nos mémoires, ne prenant toute leur signification et leur force qu’un peu plus tard, quand nous en avons besoin.
Que ce soit en cas de rupture, lors d’un deuil, ou simplement pour reprendre goût à la lecture ou à l’écriture après une petite déprime, la bibliothérapie peut certainement nous aider à nous créer une sorte de forteresse (de livres – oh, le rêve !) contre les passages à vide. Les moments où l’on comprend enfin ce qui était sous nos yeux tout ce temps sont comme des étapes que l’on est fin prêt à franchir. C’est souvent lors de ces grandes ‘révélations’ que je repense à ma frustration face à mes professeurs ou à ma grand-mère, meilleure conseillère littéraire s’il en était, qui me disaient que j’étais « encore un peu jeune » pour tel ou tel livre que j’avais pris dans leur bibliothèque. À présent, je comprends que ces dissuasions n’étaient sans doute pas tant liées aux scènes osées dont je soupçonnais qu’on voulait m’écarter (en effet, quelle ne fut pas ma déception en ouvrant enfin l’Éducation sentimentale de Flaubert, que, du haut de mes onze ans, j’espérais être une sorte de manuel pratique…) qu’au fait que je n’étais pas prête à lire des leçons qui m’auraient totalement dépassée, et donc été quasiment inutiles.
Pour autant de ‘censeurs’ bien intentionnés de la littérature, il existe une foule de libraires fantastiques qui pourraient remplir à merveille le rôle de bibliothérapeutes… Je serais sans doute encore plus encline à les écouter qu’à accepter les « listes de lecture » des thérapeutes divers. Peut-être simplement parce que ce terme me rappelle les devoirs de vacances du temps de l’école ?! Toujours est-il que je suis convaincue que nous serions tous capables d’énumérer les quelques livres qui nous ont aidés, qui nous ont rendus plus forts. Voici donc mes modestes suggestions…
Les (re – et re)lectures d’A.Louette :
– Au sortir de l’adolescence : L’Attrape-Cœur de Salinger, pour comprendre – enfin ! – par quoi on vient de passer, et compatir avec Holden Caulfield, cet adolescent solitaire, légèrement paumé mais si attachant qu’on aimerait le serrer dans nos bras.
– Avant des vacances entre amis ou des réunions de famille : Vacances anglaises de Joseph Connolly. Cette comédie à l’anglaise est un chef-d’œuvre d’ironie qui passe au crible un petit groupe d’amis, entre familles dysfonctionnelles et amants dans le placard… C’est sûr, ça vous aidera à relativiser les mesquineries de Tante Ida à la prochaine communion de votre petite cousine !
– En cas de (gros) ennui : je ne sais pas vous, mais moi, j’ai toujours trouvé que la lecture de vieux livres de recettes, surtout ceux avec illustrations un peu jaunies de plats soit gargantuesques, soit si compliqués qu’on dirait qu’une armée a été réquisitionnée pour assembler le bavarois à treize étages, était une distraction excellente. Des ingrédients ou des expressions presque oubliés, un tel soin dans la préparation d’un repas « qui ravira votre mari » selon l’auteur… cela me redonne toujours le sourire.
Ah, ma liste de livres – remèdes ne fait sans doute que commencer ! Vivement la prochaine visite à la bibliothèque…
A. Louette – Rédactrice TRIBUNES ROMANDES
Copyright © TRIBUNES ROMANDES – Tous droits réservés