(Agence Ecofin) – Des chiffres de la présence chinoise sur des terres agricoles en Afrique font débat au Cameroun. En cause un graphique du China Africa Research Ininitative (CARI), une organisation rattachée à la faculté des études internationales de l’université américaine John Hopkins. Les données publiées par cette dernière place le Cameroun comme étant premier sans second véritable, des pays où la Chine a le plus investi sur les terres agricoles en Afrique.
Cette information n’a pas manqué de lancer la controverse et une vive émotion au sein des opinions publiques camerounaises. De nombreuses personnes y voient une contrepartie pour l’ensemble des « aides » que la Chine a accordées au Cameroun. Des hypothèses parmi les plus complexes y voient la résultante d’une corruption aggravée qui gangrène l’administration.
Pourtant cette situation trouve une explication cohérente. Déjà le CARI explique que cette position particulière est le fait de l’acquisition par le groupe chinois GMG Global, basé à Singapour, et le conglomérat Sinochem basé en Chine, de la société camerounaise de production d’hévéas HEVECAM. Cette dernière n’est pas propriétaire, mais détentrice d’une concession foncière de très long terme. Une part non négligeable de 10 000 hectares est aussi concédé à une société rizicole dans le centre du pays.
La question foncière se présente au Cameroun comme un vrai serpent de mer. Les législations qui régissent le secteur sont pour la plupart devenues obsolète au regard de l’évolution de la population et des impératifs de politique agricole. Les concessions agricoles comme celles faites à Hevecam, aujourd’hui sous contrôle chinois, sont nombreuses.
Il y a une dizaine d’année, la société civile, emmenée par le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED), une ONG locale, avait soulevé le débat contre l’attribution des concessions foncières à Herakles Farms, une société basée à New-York mais qui effectue des emprises foncières dans des pays en developpement. On ne parle pas aussi souvent des concessions faites à l’entreprise Cameroon Development Corporation, la plus grosse entreprise agricole du pays ou encore à l’entreprise PHP qui produit la banane plantain dans la vallée du Moungo et dont la superficie combinée est plus importante que celle acquise par les sociétés chinoises.
De nombreux acteurs de la société civile camerounaise en appellent à une vraie réforme de la politique foncière dans le pays. En vertu des lois actuelles, l’Etat reste le propriétaire des terres et les personnes privées ou morales, ne peuvent les acquérir que par un long, complexe et onéreux processus de titrisation, ou par voie de concession, celles la plus souvent utilisée par les grands groupes étrangers et nationaux.
Mais dans l’esprit de plusieurs personnes, des concessions à près de 99 ans dans un pays où l’espérance de vie est autour de 50 ans, c’est comme priver deux générations de l’accès au foncier. Le problème est d’autant plus crucial, que le Cameroun est importateur net de nourriture et des chiffres comme ceux présentés par le CARI peuvent rapidement soulever de vives polémiques s’ils ne sont pas expliqués.
Idriss Linge