Dans vingt ans, tous polyglottes ?

20 janvier 2020

Pour le linguiste, le continent européen présente un profil étrangement contrasté, où la grande diversité des langues (et des dialectes survivants) cache en vérité un même ensemble linguistique, les langues indo-européennes. Seuls le basque, le hongrois et le finnois échappent à cette catégorisation.

Pour le polyglotte, les barrières linguistiques s’effacent et le français, l’allemand, l’italien ou l’espagnol constituent des atouts imparables. Au sein du marché du travail, les chances de trouver un emploi s’en trouvent bien souvent décuplées. Une théorie extrêmement séduisante, mais qui est pourtant remise en question par de nombreux systèmes éducatifs européens.

L’anglais comme figure imposée

On assiste clairement à la prédominance de l’apprentissage de l’anglais, parfois dès la primaire. Une idée qui a ses soutiens et ses détracteurs, mais qui a le mérite de familiariser les très jeunes avec une autre langue. Auront-ils l’envie d’approfondir leur langue maternelle, ou d’étudier d’autres langues de leur choix par la suite ? La question reste en suspens… Ce qui est certain, c’est que la première langue du monde globalisé (néanmoins dépassée par le mandarin et l’espagnol en nombre de locuteurs) fait l’unanimité sur le continent. Au point qu’on assiste progressivement au déclin du français et de l’italien.

Plusieurs cantons alémaniques, tels que Zurich ou St-Gall, ont récemment envisagé offrir une dispense aux élèves qui ne parviennent plus à suivre les cours de français. Schaffhouse a déjà supprimé l’enseignement du français dans certaines de ses classes. Cette offre de dispense, ajoutée à la place plus importante de l’anglais dans l’enseignement, interpelle. Et nous permet de dresser une tendance européenne globale. Au lieu de garantir l’élargissement des connaissances, les champs éducatifs opèrent désormais ce qu’on peut appeler des restrictions. Dans cet exemple alémanique, il ne s’agit pas seulement de constater un scepticisme pour la langue de Molière, mais aussi une aversion à l’allemand standard qui a perdu de sa superbe. Plus généralement il faut y voir une restriction idéologique: l’anglais, langue de l’économie, du commerce et de la culture de masse, supplante naturellement ses concurrents.

Eliminer le superflu

Ainsi, le phénomène linguistique qui s’opère largement au nord de l’Europe (les néerlandais ou les scandinaves passent souvent pour de meilleurs anglophones que leurs congénères du sud) serait-il en passe de faire des petits ? Tout s’accorde à l’affirmer… Les puristes qui chaque année scrutent la déliquescence de la langue française peuvent continuer à pousser des hurlements, c’est bien la tendance qui se dessine.

Pour Alexander Arguelles, infatigable polyglotte qui parle près de vingt langues, il faudrait maîtriser six d’entre elles au moins pour se dire instruit. Même si connaître et parler autant de langues reste exceptionnel, car lié en grande partie à l’hérédité ou à la mobilité du polyglotte étant enfant, tout concorde dans l’éducation à rationner ce qui est jugé comme superflu. Parler plusieurs langues constitue pourtant un avantage indéniable, en terme de garantie économique pour le futur, en terme d’ouverture sur le monde.

Faustin Rollinat 

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