Il est l’équivalent d’un Mark Twain aux États-Unis ou d’un Balzac en France (tous deux, notez bien, faisaient aussi partie jusqu’à il y a peu des personnages de mon ‘film’ imaginaire ; je vous le dis, parfois je suis surprise que ma tête n’ait pas été livrée avec des castagnettes pour tenir le rythme…).
Ces grands hommes ont en commun d’avoir créé des êtres fictionnels devenus plus vrais que nature, des récits au long cours qui vous embarquent pour plusieurs générations, ou encore des situations si frappantes ou vivaces en nos mémoires qu’elles en sont rentrées dans le dictionnaire. Nous comprenons tous sans forcément pouvoir l’expliquer ce qu’un personnage balzacien comporte de grandiose, ce qu’est le Londres ‘dickensien’, et ce que les Américains qualifient de ‘Twainesque’ dans la verve d’un auteur. Huckleberry Finn, Tom Sawyer, Oliver Twist, Scrooge, le Père Goriot ou Rastignac appartiennent tous à notre imaginaire collectif.
D’habitude, les ‘grands écrivains’ de leur calibre sont victimes d’un triste paradoxe : tout le monde les connaît, plus personne ne les lit.
C’est là, sans doute, l’une des motivations des organisateurs des événements du bicentenaire de la naissance de Charles Dickens, le 7 février 1812. Intitulé ‘Dickens 2012’, le programme s’étendant sur toute l’année verra des manifestations dans la plupart des pays d’Europe et aux États-Unis. On peut ainsi découvrir à quel point l’auteur a pratiquement inventé de toute pièce, dans son fameux Conte de Noël, la fête de Noël telle qu’elle est encore célébrée au Royaume-Uni. Les fans pourront marcher sur ses pas dans les rues les plus sombres et tragiques de Londres ou s’épater des tournées internationales dans lesquelles l’écrivain s’embarquait pour des lectures à guichets fermés.
Au milieu de tous ces événements, les chaînes de télévision ont aussi dépoussiéré leurs archives, les producteurs de cinéma et les metteurs en scène se sont souvenu des qualités dramatiques de David Copperfield, des Grandes Espérances ou encore de La Petite Dorrit. Les adaptations des œuvres du grand Charles ne manquent pas, et cette année promet encore de nouveaux arrivages, pleins de la richesse des pages de ses romans.
Ceux-ci, même s’ils ont pour la plupart l’épaisseur d’une brique, gagnent en effet à servir à autre chose que de soutien aux pieds d’une armoire. L’écriture de Dickens, riche et imagée, ironique, voire satirique et parfois cruelle, n’a pas beaucoup vieilli, et en cette période tumultueuse de notre histoire économique et sociale, ses observations sur la misère des uns côtoyant l’indifférence des autres, prennent une résonnance encore plus particulière.
Les nombreuses personnalités engagées dans ce bicentenaire international ne sont sans doute pas les seules à se réjouir de l’engouement retrouvé du public pour les romans de Dickens, car la découverte de ses récits foisonnants ne peut qu’être bénéfique à toutes et à tous ! Pas plus tard qu’en 2008, le roman de Lloyd Jones, Mister Pip, montrait à quel point une épopée telle que Les Grandes Espérances avait le pouvoir de toucher et d’influencer le cours des vies d’êtres aussi éloignés du Londres victoriens que des habitants d’une petite île du Pacifique dans les années 1990.
Le musée littéraire Strauhof, à Zurich, s’est joint aux manifestations de ‘Dickens 2012’, et présente actuellement une exposition de certains manuscrits et lettres de l’auteur légendaire. ‘Les mystères de Charles Dickens’ se hisse certainement au rang des visites à ne pas manquer cette année.
A. Louette – Rédactrice TRIBUNES ROMANDES
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