Peut-être auraient-ils alors découvert les réponses à une grande question qui me taraude depuis un récent séjour en Bretagne : pourquoi n’y a-t-il pas encore d’inventaire complet des illustres contributions de cette région à la pâtisserie et la confiserie françaises (et d’Europe, pour notre plus grand bonheur) ? Et, de manière encore plus essentielle, comment se fait-il que tous ces chefs-d’œuvre pur beurre aient tous vu le jour en Bretagne ? Est-ce le vent marin, les légendes si riches, le climat ardu, l’hydromel, le cidre, le chant des druides ou un peu de tout cela à la fois, qui a tant inspiré la créativité des boulangers et des biscuitiers ?
Il y a parfois, dans la vie, des mystères insondables. Mais je refuse de capituler, je veux savoir. Eh oui, chers lecteurs, je suis bien consciente que, dans certains cas, des missions de la plus haute importance nous tombent sur les épaules. Il y a de véritables sacerdoces à accomplir, des sacrifices à consentir. C’est pourquoi, pour le bien de l’humanité, je me dévoue et me propose de dresser l’inventaire exhaustif de tous les trésors sucrés de l’Armorique. J’enfourcherai mon tricycle pour parcourir inlassablement les routes bretonnes, du Nord au Sud et d’Est en Ouest…
De Saint-Malo et ses craquelins, des petits pains briochés truffés de perles de sucre importés autrefois des Flandres avec lesquelles le fameux port avait des relations de commerce, je sillonnerai les vallées de Basse-Bretagne en quête de la parfaite galette de blé noir ou sarrasin, qui est devenue une telle institution que le Net bouillonne de théories de spécialistes ès cuisson de la parfaite crêpe (oh là, sacrilège ! On ne confond jamais crêpe et galette, A.Louette !). Quitte à parler de crêpes, je ferai alors dans la dentelle en choisissant les Gavottes nées dans la belle ville de Dinan, au bord de la Rance. Tiens, rance… Voilà un adjectif que l’on n’entend probablement jamais dans les biscuiteries et pâtisseries de la région !
En effet, le beurre, surtout salé, semble être l’ingrédient clé des délices bretons : du gâteau breton, tout joli, tout rond et légèrement sec, bien emballé dans un papier à l’ancienne, de sorte qu’on est très tenté de le faire rouler comme un cerceau, au célèbre kouign amman, une sorte de feuilleté contenant des parts environ égales de farine, d’eau et de beurre, les desserts bretons devraient presque se vendre sous un label d’avertissement des risques pour la santé. Soyez rassurés, je ne reculerai devant aucun obstacle, et ne me laisserai pas intimider par la crainte d’un infarctus prochain, oh que non ! Je braverai l’adversité, et élargirai mes pantalons pour les bienfaits de la Science. Je passerai allègrement du far breton, une sorte de flan aux pruneaux, aux galettes de Pont-Aven en passant par Le Petit Lu, inventé à Nantes, pour enfin terminer avec les divers petits gâteaux au beurre salé. Mais ceux-ci ne rivaliseront sans doute pas avec mes biscuits préférés, les palets bretons :
Palets Bretons au miel de sarrasin
Dans un livre de recettes de la cuisine de Monet à Giverny en Normandie toute proche de la Bretagne, j’ai trouvé une petite note sur des palets au miel… Je soupçonne que la cuisinière de Monet avait sans doute voulu garder quelques-uns de ses secrets, car la recette m’a semblé quelque peu incomplète. Voici donc une version un peu plus personnelle :
Pour 4 personnes, vous aurez besoin de 2 jaunes d’œufs, 125g de sucre en poudre, 150g de farine, 125g de beurre demi-sel (ou ajoutez un peu de sel en utilisant du beurre non-salé), 70g de miel (Si vous parvenez à en trouver, essayez le miel de sarrasin, pour une touche véritablement bretonne : ce miel plutôt fort et très foncé a une saveur presque boisée, délicieuse !), et une cuiller à café de levure chimique.
Une fois que vous avez sablé le beurre, le sucre, la farine et la levure, ajoutez le miel puis les jaunes d’œufs, roulez la pâte obtenue en un boudin que vous laissez reposer au réfrigérateur pendant 1 à deux heures.
Préchauffez votre four à 200°C, coupez de larges rondelles de pâtes que vous pourrez placer dans un moule à muffins (Les palets n’obtiennent pas leur jolie forme haute s’ils sont placés sur une plaque de cuisson, car ils s’étalent), et enfourner pour 10 à 15 minutes jusqu’à ce qu’ils soient bien dorés.
Et… si par hasard vous étiez tentés de me faire savoir qu’il existait déjà un recensement complet des biscuits de Bretagne, surtout, ne le faites pas ! Cela m’enlèverait tout le piquant de mon beurre salé !
A. Louette – Rédactrice TRIBUNES ROMANDES
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